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 Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]

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MessageSujet: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Dim 22 Déc - 22:11

Il est un adage dans le monde d'en-bas, selon un des Aînés, qui dit que la sagesse n'attend pas le nombre des années. Il n'avait pas l'air particulièrement convaincu en le disant, ses yeux presque blancs fixés dans les miens, d'un rouge orangé flamboyant qui me plaisait assez. Je les trouvais puissants. J'imaginais la force de mon Âme-Sœur, même si elle ne m'appelait pas encore avec la douleur que certains expérimentaient avant de partir en Quête. Il n'avait pas l'air convaincu, donc, en posant sa longue main fine sur le haut de ma tête aux cheveux déjà gris, qui s'ébouriffaient en longues mèches qui frôlaient mes pommettes et le bas de ma nuque.

Et parce qu'il n'y croyait pas, je n'y croyais pas non plus. Ce n'était pas tout à fait exact. Si je voulais être précis, et j'essayais de le faire, par mimétisme envers ceux qui avaient déjà achevé leur Quête et qui prenaient sur leur précieux temps d'observation pour nous enseigner, mais aussi parce que... Eh bien, parce que l'idée de contrôler les mots, à défaut d'autre chose, était étonnamment réconfortante.

C'est très probablement difficile à expliquer à quelqu'un du monde d'en-bas. Mais en haut de la montagne, dans la tour que tous appellent la Citadelle, entre ses ronds murs blancs, tout, depuis notre naissance, jusqu'à la façon dont notre longue, très, très longue vie se déroulera, est contrôlé par le Destin. Les Grandes Lois demandent que nous restions à jamais hors du monde, perdus dans les neiges éternelles, accompagnés par nos uniques Âme-Sœurs, et chargés de tâches toutes plus nécessaires les unes que les autres, comme le cardage de la laine, la couture, la cuisine ou le nettoyage. C'est une existence simple, mais sans liberté. Une vie de contemplation. D'observation, en réalité, mais la différence ne vous semblerait probablement pas flagrante, à vous Humains. Tout du moins d'après ce que les autres en disent. Je n'en sais rien encore, après tout...

En cette froide journée, donc, le soleil brillait fortement sur la tour alors que je contemplais la perspective que le dernier étage offrait. Une vue plongeante sur de la neige, de la glace, du blanc et de mystiques nuances de bleu. La seule chose que je trouve véritablement fascinante, dans la neige, d'ailleurs. Le fait que les ombres y soient bleues, plus que grises, comme à l'intérieur. Un éclair d'un bleu presque blanc perça les nuages alors que notre Professeur du jour, celui-là même qui m'avait parlé de cet adage, se posait sur la plate-forme. Cela signifiait que l'heure de la leçon arrivait. Les Grandes Lois étaient déjà derrière nous. Nous les connaissions avant même de savoir véritablement parler... Probablement pas, mais elles étaient les premiers mots qui semblaient sortir de la bouche de chacun de ceux ayant terminé leur croissance.

Je rassemblais autour de moi la large cape de laine et descendait à la suite d'Asshin. Ses longs cheveux noirs étaient tressés en une natte serrée, et pas une mèche ne dépassait, malgré le fait qu'il revenait d'un vol. La pièce principale aurait probablement pu résonner de nombreux bruits, au vu des six enfants qui la peuplaient et de la dizaine d'adultes qui la parcourait. Mais à part le bruit lénifiant du la navette ou des ustensiles, il était parfois aisé de trouver le silence oppressant. Il allait avec la neige. Et il avait toujours été là.

Je pris donc place avec les autres sur un coussin moelleux, et posais sur mes genoux l'écritoire qui servirait à la leçon du jour. Entraînement à l'écriture, avec pour base un obscur livre de pensées du monde, par un Dragnis qui avait succombé en même temps que son Âme-Sœur. La pensée était à la fois tragique et étrangement réconfortante. Après tout, comment vivre sans une part de soi-même? La voix froide et polie de l'Aîné s'éleva, et je pris sur moi de fermer le canal presque ininterrompu de mes réflexions inutiles pour l'écouter. Après tout, n'étais-je pas là pour apprendre, comme ceux à mes côtés?

Dragnis
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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Sam 28 Déc - 13:06

Les pieds étaient nus. Comme ils l'avaient toujours été. La fraicheur du sol remontait tout le long des mollets,  pour aller se lover dans le creux douillet des genoux. Derrière les petits pas dansaient les longs cheveux d'argent, ils flottaient et ondulaient à leur guise.

Les couloirs étaient calmes, silencieux. Si des âmes étaient éveillées, elles étaient invisibles.

Alors la petite fille faisait claquer ses petits pieds potelés sur le sol, ses yeux dorés grands ouverts pour tenter de mieux cerner les ombres de la nuit.

La seule chose qui la tirait de ses jolis miroirs ornés de papillons : l'aube qui chassait la paresse du crépuscule. Ojûn aimait voir la rougeur de l'horizon s'étirer, amenant derrière elle le plus bel orange qu'elle n'avait jamais vu.

La petite avait une place préféré. Tout en haut, le plus haut possible. Elle passait juste à côté des escaliers lugubres en pierre grise qui menaient jusqu'aux Dragons. Le long corridor de pierre n'avait pas de fin, et dans ses ténèbres résonnaient grondements profonds et bruissements d'ailes repliées.

Parfois, des corps trainés, des os brisés entre des mâchoires fermes faisaient de doux échos jusqu'à elle.

Ojûn montait, tandis que sa robe blanche glissait sur les marches derrière elle. Et puis, elle fixait le ciel. Lentement, il tirait des bas fonds une palette orangée qui illuminait l'horizon. Les étoiles étaient encore visibles, petits points lumineux qui cherchaient à briller malgré la clarté qui les éteignait les unes après les autres.
Et sur ce paysage poétique se découpaient les ombres dansantes des dragons qui gobaient les oiseaux un peu trop matinaux. Ojûn aimait voir leurs queues décrire leurs arabesques folles, semblables au fouet que l'on ferait claquer. Dans son esprit, Ojûn sentait crépiter l'âme de celle qui cherchait à la trouver.

"Ojûn."


Une voix douce, sur laquelle on se glisserait comme on le ferait dans des draps soyeux. Le ciel avait chassé toute trace crépusculaire et que l'aube amenait sa fraîcheur toute particulière, pendant que sur les flancs des montagnes scintillait la neige sous les rayons du soleil naissant. Et comme tous les matins, c'était à ce moment là que l'on venait la chercher.

Habillée d'une longue robe verte de soie brodée, avec de longues manches qui tombaient de ses coudes en de petits volutes de tissu, la Dame avait une élégance qui avait toujours fasciné Ojûn. La Dame. Elle ne connaissait pas son nom, n'avait jamais eu l'idée de le lui dire, et on n'avait jamais eu l'idée de le lui donner.
Les grands doigts souples venaient, comme tous les matins, lui tresser les cheveux, comme le siens. Deux tresses partaient depuis ses tempes, pour aller rejoindre l'unique qui viendrait tomber au creux de ses reins.  

Ojûn continuait d'observer le ciel et ses danseurs reptiliens, qui commençaient à rejoindre les chants de oiseaux avec leurs grognements. Ce silence était ce qu'il y avait de plus apaisant. La Dame réconfortait de sa présence vénérable, et la petite profitait des chatouilles qu'occasionnait la coiffure. Et quand la besogne se terminait, la main venait doucement se poser avec une autorité calme.  Il était l'heure descendre.

Ojûn accompagnait la Dame jusqu'à l'Âme-Soeur de cette dernière. La petite se tenait alors à l'écart, laissant à l'aînée  l'intimité des premiers instants avec son Dragon. Elle ressentait cette sensation d'entièreté qu'éprouvait la Dame une fois avec l'énorme bête. Puis, un geste l'invitait à venir flatter le col écailleux. Le dragon venait toujours tordre son cou pour venir lui souffler dessus avec ses naseaux, en guise de salut.

Quand le dragon  une fois installé sur les bords de la tanière, il se laissait tomber dans le vide vertigineux dans un sifflement. La petite Dragnis admirait toujours ce moment, lorsque le dragon finissait par ouvrir ses larges ailes pour les gonfler soudainement. Il remontait alors sous les courants chauds des airs, et se laissait porter avec sérénité, jusqu'à aller rejoindre les autres dans leur chasse.

Après ce petit rituel matinal personnel, arrivait le quotidien.  Un repas constitué de fruits, et puis venait rapidement l'heure d'écouter les Anciens. Dans la grande salle dans laquelle on la menait tous les matins, Ojûn n'aimait pas ce silence. Il était pesant. Cela lui donnait une envie pressante de retourner à la fenêtre respirer la fraicheur des montagnes. Ou d'aller regarder dans les miroirs. Elle esquissait un sourire lorsqu'en marchant, elle sentait contre sa cuisse la lourdeur de celui qu'elle avait glissé dans les larges poches de la robe.

Essayant de se maintenir aussi droitement que la Dame, elle se glissait parmi les autres pour prendre à son tour place au milieu des enfants. Seulement, elle était tout à coup fascinée. Fascinée par le reflet du monde que faisait le verre en cristal. Il se trouvait fort loin d'elle, mais ce que son regard y voyait n'était pas la pièce environnante, mais des sapins, verdoyants, elle le devinait.
Elle adorait faire ça. Et négligeait par la même occasion là où la menaient ses pas. Maladroitement, elle bousculait un autre enfant, et était tirée de sa rêvasserie. Gênée, elle revenait au présent, tout en sentant sur sa nuque le regard autoritaire d'un Aîné. Ce dernier savait qu'Ojûn avait un peu trop l'habitude de se perdre dans les reflets plutôt qu'à se perdre dans leurs paroles.

"Pardon."

C'était les seuls mots qu'elle pouvait adresser à son semblable, jeune garçon Dragnis. Décidant de ne plus risquer une autre remarque silencieuse de l'Aîné, elle se glissait rapidement derrière un écritoire. Dans son esprit, qu'elle tentait de centrer sur le papier et sur la voix de l'Aîné qui remplissait la pièce, l'obsédait l'envie d'aller replonger dans la forêt de conifères et d'aller voir l'histoire que les reflets lui raconteraient. Peut-être, si elle pouvait discrètement sortir le miroir de sa poche...


Dernière édition par Ojûn Matto Ta Waci le Jeu 20 Fév - 19:14, édité 1 fois

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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Lun 6 Jan - 16:46

Je n'ai aucun doute sur la valeur supposée des cours qui nous sont dispensés. Véritablement aucun. Au moins, pas au sens propre du terme. Quelques questions, certainement. Mais aucun doute. Aucun doute ferme et définitif, à tout le moins. Dans mon idée, l'enseignement des Anciens est censé nous préparer à ce qui nous attend dans le futur. Cela, au moins, me semble clair. Mais je me demande vraiment à quoi nous sert l'apprentissage de l'écriture. Après tout, nous ne l'utilisons jamais, et le monde d'en-bas ne peut pas en avoir un usage si extensif, n'est-ce pas? Ou leur mémoire serait-elle si mauvais qu'ils sont incapables de retenir ce qui leur est dit? Qu'il s'agisse de leur histoire, des tâches à faire, ou de l'organisation de leur société?

Cependant, parce que c'est ce que l'on attend de moi, je m'applique, refermant mes doigts fins mais courts et peu agiles autour de la fragile plume qui nous a été confiée. Une chacun. Pas plus. Rien n'est utilisé avec excès, ici. La juste mesure, en tout et pour tout. J'ai déjà entendu certains vanter le faste dans lequel ils avaient vécu à la Cour d'Eldoria. Je n'ai jamais eu une imagination débordante, je dois bien l'avouer. Et je ne suis pas certain que cela s'améliorera, même lorsque j'aurais atteint le pic de ma croissance, lorsque celui de mon esprit sera le seul développement sur lequel je devrais encore veiller. Mais je me demande également si j'en ai envie. Si l'imagination est nécessaire à une vie saine d'observateur. Je ne manque pas de logique, je crois. Ni de compréhension. Peut-être d'empathie. Pas d'enthousiasme, au grand dam de certains Anciens. Mais d'imagination, oui. J'en ai déjà parlé avec d'autres. Des Anciens, déjà revenus. Des observateurs accomplis. J'ai obtenu comme réponse que je n'aurais jamais une vie épanouie, mais que j'aurais probablement une vie satisfaisante.

Je n'ai rien contre une vie satisfaisante. Je n'ai jamais demandé à être épanoui. Imaginer, c'est s'exposer à souffrir, je crois, lorsque l'on se rend compte que jamais la réalité ne sera à la hauteur de la fantaisie qui s'est construite, petit à petit, dans notre esprit. La réalité, aussi rude, aussi non-excitante, aussi déchirante qu'elle puisse être, n'est que ça. La réalité. Rien à en attendre, rien à magnifier, rien à enrober, rien à maquiller. La réalité crue et nue. Si j'en crois ce que j'ai appris, je suis probablement pessimiste de nature. Même si je n'en suis pas certain. Je ne sais pas trop à quoi le comparer, à vrai dire.

En revanche, je sais pertinemment que j'ai tendance à me perdre dans mes pensées, comme je viens très exactement de le faire, alors même que j'essayais d'écrire l'instant d'avant. J'ai malgré tout suivi, dans un coin de mon esprit, ce qui se déroulait, et notamment le fait que j'avais été bousculé, manquant renverser mon encrier. Curieux, je relève la tête vers elle. Je la reconnais, même si nous n'avons jamais eu de nombreuses occasions de parler. Et je pars encore dans une réflexion d'une nature complètement différente, mes prunelles d'un rouge-orangé fixées sur elle, sans la voir, véritablement.

"Pardon" a-t-elle dit. Avait-elle fait quelque chose méritant le pardon? M'offrait-elle le sien? Demandait-elle le mien? S'agissait-il d'excuses qu'elle s'accordait? Difficile à dire, véritablement. Avais-je envie de le savoir? De lui demander? Les cours prodigués par les Anciens ne sont pas fermés et n'exigent pas un silence absolu. Bien au contraire. Chacun est amené à donner son avis et à exposer sa pensée. Je n'hésite donc pas bien longtemps. Enthousiasme et curiosité. Les raisons pour lesquelles je ne crois pas à mon pessimisme. Du pragmatisme? Allez savoir... Ce n'est plus la question du moment.

Elle semble avoir quelque chose dans sa poche, quelque chose qu'elle semble vouloir sortir. Je pose ma plume après l'avoir essuyée consciencieusement et ouvre finalement la bouche après avoir gratté distraitement les petits écailles descendant le long de ma colonne vertébrale. Ma voix est un peu râpeuse, mais cristalline, celle d'un enfant, bien sûr, mais peu modulée, à peine teintée de curiosité.

"Ojûn... Pourquoi avoir dit pardon? Qu'est-ce qu'il y a dans ta poche?

Aucun besoin d'en détacher mes yeux. Si je dois être réprimandé pour mon écart, je le serai. Mais en attendant... en attendant, je ne lâcherai pas mon sujet d'observation des yeux. Autant expérimenter tant qu'il n'y a pas d'enjeu, après tout...

Dragnis
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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Dim 19 Jan - 1:40

La petite n'avait pas immédiatement perçue la voix qui s'adressait à elle. Ojûn essayait de s'astreindre à la concentration superficielle qui la tenait droitement derrière l'écritoire et faisait danser avec une justesse encore trop malhabile à son goût le pinceau encré. Mais son autre main était tout contre son corps, appuyant sa paume contre la dureté de l'objet convoité qui sommeillait encore dans son vêtement. Puis, elle s'était soudainement éveillée et avait d'abord cherché du regard le propriétaire de la voix perturbatrice. Avant de complètement tourner la tête pour observer plus proprement le petit Dragnis qui se tenait à ses côtés.

C'était lui, qu'elle avait juste bousculé quelques instants avant. Forcément puisqu'il était son voisin direct. Ojûn n'avait pas du tout le sens du social, ce qui avait fait d'elle une exclue, et ce de sa propre initiative. Elle ne s'en rendait même pas compte, puisqu'elle n'en souffrait pas. Ce besoin d'aller vers les autres lui était étranger. Sans les détester, elle niait simplement leur existence quand il n'était pas nécessaire de la prendre en compte. Et puis, en grandissant, elle se rendait de plus en plus compte comme les autres pouvaient être source de confusions quant aux sentiments les concernant. On pouvait ressentir face à quelqu'un une tranquillité, quand tout à coup pouvait venir se faufiler l'inquiétude après un geste ambigüe de sens, un mot, un regard. Comme la Dame. Sa présence pouvait être apaisante, et sa voix des fois s'habillait avec rudesse, sans qu'Ojûn ne puisse mettre à cela une quelconque explication.  Ce qui expliquait donc, tout bêtement, pourquoi elle ne reconnaissait absolument pas le visage qui s'offrait à elle. En le fixant, après cette remarque personnelle intérieure concernant son manque de sociabilité, elle se disait qu'il était là venue l'occasion de se graver à jamais le visage d'un compère qui grandirait dans la Citadelle avec elle. Pour s'essayer à la chose, elle décidait de fixer dans sa mémoire le regard rouge comme le feu des dragons qui brillait sur elle. Un feu calme, et peut-être un peu las lui semblait-il.  

La petite Demoiselle avait d'abord était surprise par la question. Elle se savait en manque d'échanges avec les autres, mais celui-ci avait l'air pas plus doué qu'elle. Pourquoi demander le pardon ? Quelle drôle d'idée. Ojûn se disait qu'elle aurait bien voulu voir ce qu'il se serait passé si elle ne lui avait pas adressé un seul mot tout en l'ayant bousculé. C'est en se disant qu'elle-même n'aurait pas trouvé ça correct, que la petite trouvait quoi y répondre. Mais elle était alors interrompu par la remarque concernant l'objet de son brûlant désir, ce qui ravivait en elle sa préoccupation première, obsédantes images rêvées dans les reflets.

La peau blanche de ses joues devenait légèrement rosé. Face à l'Aïeul qui questionne, aucune gêne, il est l'adulte, celui que l'on respecte et qui sait, et qui instaure de par son simple statut, une distance qui exclue la timidité. Tout reste très formel, baigné dans les non-dits évidents. Car même si, elle avait l'impression d'avoir un lien affectif et spécial avec la Dame, elle gardait envers elle une attitude adoptée envers tous les adultes de la Citadelle.

Mais ici, c'était un Autre. Comme elle, et qui, en plus de ça, lui donnait la sensation d'être prise sur le fait. Et d'avoir autant fixé ce regard à peine animé par les émotions lui faisait drôle. Ojûn se rendait compte qu'elle n'avait jusque là, que rarement vu le regard des autres plongé dans le sien.
Elle se raclait la gorge, essayant de faire en sorte à ce qu'elle ne soit entendue que du garçon.

"Je t'adressai seulement mon pardon en raison de ma bousculade. Ce n'est pas très gentil, ni très agréable envers toi, mais ce n'était pas fait exprès."

Ce n'était qu'après un petit moment qui suffisait juste à un froncement de sourcils qu'elle continuait.

"Comment connais-tu mon nom ?"

Elle-même ne connaissait pas le prénom de la Dame. Peut-être parce qu'elle ne l'avait jamais réellement voulu. Ce n'était pas, à son sens, ce qui était le plus utile. Et certains lui diraient qu'elle aurait tord de négliger ce qu'un simple nom peut tisser comme liens entres les personnes.

Ojûn se redressait, faisant basculer sa tresse dans son dos pour la faire couler le long de son épaule droite. Ce qui lui rappelait un Bélize encore endormi qui l'attendait patiemment dans la chambre qui lui était assignée.

La demoiselle faisait une moue rapide, avant de se pencher vers le garçon. Elle savait que c'était un erreur, de céder. Qu'elle risquait à nouveau de se faire gronder, et que les images seraient bien trop fascinantes...Mais la suite de l'histoire, bon sang, la suite !

C'est donc d'une petite main habile qu'elle glissait le miroir légèrement hors de sa poche, le gardant tout contre son flanc. Un éclat de lumière s'y reflétait pour aller rebondir pendant une seconde sur le visage de l'intéressé. Fascinant.  Sur son visage qu'elle tentait de tenir impassible, s'esquissait un sourire qui dégoulinait du ravissement qu'elle éprouvait rien qu'à l'idée d'à nouveau pouvoir plonger son âme dans les reflets pour s'y laisser bercer, ne serait-ce que quelques instants éclairs.

"C'est juste un petit miroir..."
Elle ne savait pas si lui verrait. Mais déjà, commençaient à se refléter les pointes des sapins qui tanguaient sous un vent lointain.  



Dernière édition par Ojûn Matto Ta Waci le Jeu 20 Fév - 19:14, édité 1 fois

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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Mar 4 Fév - 19:14

Certaines personnes mettent du temps à répondre lorsque sollicités. Notamment par la parole. J'en suis un flagrant exemple, même si je connais mes raisons et justifications pour cet état de fait. Je prends le temps. Le temps de réfléchir, de peser mes mots, d'en imaginer les conséquences, ainsi que les scenarii qui découleraient de mes paroles. Les réactions. Je me fourvoie plus souvent que je ne saurais l'admettre. Ce délai dans mes réponses engendre fréquemment la consternation des Anciens, qui me croient, j'en ai peur, légèrement attardé. Je ne crois pas qu'ils aient raison, même s'il m'arrive encore de parler sans réfléchir et de faire montre d'une immaturité qui me fait un peu honte. Mais j'imagine que le Destin me pardonnera. Je n'ai que six maigres années de vie derrière moi.

Tout cela pour dire qu'il y a diverses raisons qui peuvent pousser les gens à formuler leurs réponses lentement. L'une d'elle était la stupidité pure et simple, ou la difficulté à verbaliser. Une autre la réflexion. Soit à mon humble avis, l'exact inverse. Il y en a certainement d'autres, que l'on ne m'a jamais expliquées. Et je pense que je suis en présence d'une de celles-ci. Parce qu'aussi complexes que puissent être les digressions dans lesquelles je me perds, elles ne m'ont jamais amené à rougir. Je hausse un sourcil, mon petit visage noyé sous la masse grise de mes cheveux revêtant un air sérieux alors que j'essaie de comprendre. Peine perdue.

Je finis par abandonner alors qu'elle me répond après s'être raclée la gorge. Je me demande si elle a soif, pendant quelques instants. Mais ses mots emportent le reste de ma considération. Je comprends bien qu'elle n'avait pas l'intention de me bousculer. La violence est loin d'être fréquente à la Citadelle. Nous n'en avons pas besoin pour nous faire comprendre, et les conflits naissent rarement au sein de notre peuple. Raison pour laquelle j'ai parfois du mal à savoir comment certains peuvent s'écarter de la voie au point de devoir être exécutés. Notre "justice" est expéditive. Mais le Destin ne peut être tordu à la guise de n'importe quel contrevenant. Beaucoup trop de choses sont en jeu. Même si le terme de justice...

"Ne devrais-tu pas plutôt me demander pardon, plutôt que de te l'accorder comme s'il t'était dû, alors que je suis l'offensé?"

J'ai dû penser à voix haute. Ce n'est pas si fréquent, mais cela advient de temps à autre. J'ai probablement plus l'air curieux qu'autre chose. Et loin de moi l'idée que mes paroles peuvent avoir un impact négatif. Ou être mal reçues par qui ce soit. Je n'irais pas jusqu'à dire que par ma voix s'exprime la vérité, mais le peu d'émotion que je mets dans mes mots devrait, selon moi, leur permettre d'être compris comme de simples observations et non des jugements. Sa question, en revanche, m'arrache un soupir. J'appelle très rarement les gens par leur nom. Je n'en vois que rarement l'intérêt, d'une part. Et d'autre part, j'engage assez peu de conversations. Je dirais que ce vocatif m'a échappé. J'avais dans l'idée que cela attirerait mieux son attention que "Toi". Enfin, on ne m'y reprendra plus...

"La Citadelle n'est pas très grande, et nous ne sommes pas très nombreux, en comparaison de la multitude des gens d'En-Bas."

Le sous-entendu étant que cela ne fait qu'une poignée de noms à retenir. Et chacun est suffisamment physiquement unique pour être différencié des autres. Ce qui facilite encore plus les choses. D'autant plus que les jeunes, notre groupe, est plus restreint encore. Moi-même, Ojûn, Arsinoë, Asmaël, et quelques autres. Voilà tout. Je hausse les épaules, chassant de moi-même ce sujet de mon esprit. Les noms. La façon d'appeler et de considérer les gens. Cela me paraît ridicule pour une raison encore difficilement explicable et formée dans mon jeune esprit en construction.

Je continue mes observations alors qu'elle chasse ses cheveux blanchâtres, blond très pâles, peut-être. Difficile à dire. Elle se penche vers moi comme si elle refusait d'être entendue ou vue par les autres. Un rapide regard en direction de l'Ancien qui tente de nous enseigner les lettres m'apprend que cela également est peine perdue. Mais soit, si cela peut la satisfaire. Un éclat soudain m'aveugle quelques fractions de seconde, et un sourire béat s'affiche sur son visage. Je baisse les yeux sur ce qu'elle tient finalement au creux de sa main. Effectivement, un simple miroir. Alors, pourquoi une telle dévotion dans ses prunelles dorées..?

Je ne comprends pas, mais je vois. Je ne comprends même pas ce que je vois, mais ce miroir semble être une fenêtre vers un... ailleurs. Toute l'imagination dont je manque concentrée dans une petite surface polie. J'ai l'impression de sombrer, d'être aspiré. Les sapins, doucement, se balancent dans un vent que je pourrais presque sentir. J'entends presque le clapotis doux d'une étendue d'eau. Ce qu'ils appellent un étang, ou un lac, peut-être. Pas la mer, non, car nul animal ne vient s'y abreuver. Les Anciens nous ont appris qu'elle était salée. Et boire de l'eau salée est une mauvaise idée. Cela n'étanche pas la soif, et il paraît que l'on peut en mourir.

Ma vision gondole, comme perturbée par le reflux de l'onde. Vois-je à travers celle-ci, ou n'est-ce qu'un effet d'optique? Je me sens aspiré, de plus en plus. Captivé, au sens propre. Prisonnier de cette vision trompeuse. Un frisson soulève mes écailles alors que je lutte pour sortir de cette illusion. Parce que je commence à comprendre, en définitive, ce qui se passe. Et peut-être même, un peu, l'attraction que cela peut exercer. Difficilement, je m'en extirpe avec à la fois l'impression d'avoir découvert quelque chose de fascinant, et celle de m'être perdu, pendant quelques secondes. Ou un peu plus que cela.

Difficilement, je détourne la tête pour me concentrer sur le petit pupitre de bois sobre. Les veines, la patine presque antique. Le petit encrier dans lequel le sombre liquide se balance lentement, paresseusement. La plume légèrement froissée, là où je l'ai tenue. Le morceau de parchemin où j'ai griffonné quelques lignes que je saisis à peine. Mes pensées se penchent sur ce que je viens de vivre. L'imagination, la réalité, les illusions. Certaines personnes sont dangereuses. Mes paroles m'échappent, alors:

"Facile, si facile de se perdre dans l'illusion. Échapper à la réalité et aux chaînes du Destin. Ce n'est pas juste un miroir... Oh non, pas uniquement... C'est un monde imaginaire dans lequel il est risqué de se perdre, et où il est pourtant aisé de s'oublier..."

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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Mer 19 Fév - 23:22

La petite demoiselle avait levé les yeux, stoppée dans son élan. Son corps frêle figé, elle avait essayé de saisir les paroles du garçon. Oui, dis comme ça...Mais c'était pas un peu pinailler pour pas grand chose ? Bah. Au fond, les Dragnis avaient bien assez de temps pour se permettre de chipoter sur ce genre de futilités. Ce garçon semblait être de ceux qui le faisait.

"Tu as raison. Je te demande pardon, alors. Libre à toi de me l'accorder, ou non."


Mais la petite demoiselle était bien trop préoccupée par les jolies images pour s'attarder sur la question. Elle aurait pu tout aussi bien hausser les épaules, que ç'aurait été tout à fait la même chose. Cela ne comptait pas pour elle. Par ses mots, elle voulait juste signifier qu'elle n'avait pas volontairement bousculé le petit dragon, et qu'en plus, elle en était désolée. Peu importait la forme qu'ils prenaient, ces mots là.

Mais s'était ensuite retrouvée face à un soupir inexpliqué. L'ennuyait-elle ? Pourquoi soupirer, pour répondre à une question ? Elle s'en était sentie vexée. Lui et ses réflexions enquiquinantes pouvaient bien soupirer, si elle n'était pas assez intéressante, il n'avait qu'à simplement hocher la tête et l'ignorer, plutôt que d'engager la conversation.

Déjà, petite, les difficultés qu'elle éprouvait à approcher l'altérité s'exprimaient, sans vraiment savoir pourquoi. Il était difficile de saisir les réelles intentions et émotions qui enrobaient les paroles des autres. Cela était une source de stress qu'Ojûn trouvait inutile. Elle n'avait rien trouvé à répondre à cela. La petite ne le voulait de toute manière pas en dire quoi que ce soit, de peur de causer un autre soupir. Certes, ce garçon avait visiblement plus de contact avec le reste des occupants de la Citadelle qu'elle-même. Grand bien lui fasse. Elle avait juste été surprise qu'il puisse ainsi connaître son nom, alors qu'elle n'arrivait même pas à se souvenir avoir déjà été approchée par celui-ci.

Peu importait. En réalité, la petite Dragnis n'avait ses pensées que superficiellement. Cela l'avait effleuré, pour aller s'évaporer tout aussi vite. Tout ceci l'importait peu.

Derrière elle, résonnait la voix de l'Aïeul qui dictait. Son ton était si calme, si ennuyeux...Sans expression.

Le miroir quant à lui, racontait des choses bien plus passionnantes. Des couleurs silencieuses, qui prenaient vie de manière fascinante. Oh oui, Ojûn aimait tellement ces histoires. Elle se souvenait de toutes celles que les surfaces lui racontaient. Gravées dans sa mémoire, c'était son savoir le plus précieux. La petite Dragnis chérissait ces tissus de souvenirs, profondément ancré en elle.

Quand ses yeux s'y plongeaient, elle se sentait totalement portée par le spectacle. Qu'il soit douloureux ou merveilleux, peu importait. Elle ne contrôlait pas encore ce qu'elle voyait, et ne pouvait s'y mouvoir par le biais de son propre reflet. Ojûn comptait bien se perfectionner, tenter des expériences, mais jusque là, encore trop petit, elle n'était qu'une simple spectatrice totalement passive.

Si l'autre arrivait à lui aussi se plonger dans la vision, elle l'avait à peine remarqué. La petite avait développé un certain sens pour interpréter les images. Cela lui venait de plus en plus rapidement, de plus en plus spontanément, sans besoin de détours intellectuels pour comprendre ce à quoi elle avait affaire. Habituée, c'était son monde, et devenait peu à peu son langage.

Si elle percevait la biche s'abreuvant, elle percevait aussi le ciel, l'humidité ambiante qu'il laissait deviner. Les oiseaux, migrateurs, qui survolaient la scène, et indiquaient une saison froide à venir. La forêt dans laquelle vivait cette biche, s'endormirait bientôt.

Alors que le regard de braise se détournait, le sien restait fixe. Seule la voix, et les paroles, le détachaient du miroir. Qui, rapidement, allait retrouver sa place sous un morceau de sa robe, contre sa cuisse. Sans le remettre dans sa poche, il resterait caché là, loin du regard sévère de l'Aïeul.

Ojûn fixait celui, qui visiblement ne s'était pas attendu à une telle expérience. Un petit sourire s'esquissait sur ses lèvres rose pâle.

"Les chaînes du Destin...N'ont pas de prise sur nous, non ? Et la réalité, où est-elle ?"

Ses doigts aux écailles sombres se faufilaient jusqu'aux bords du miroir.

"Quelles sont les limites de ce qui existe ou n'existe pas ? Peut-être qu'une biche a bu cette eau en ce moment même, quelque part. Peut-être était-ce dans le passé, ou dans le futur. Ou, oui, juste une illusion, mais à laquelle je crois."

Oui. S'y perdre, par contre, était tout à fait possible, pourquoi pas. Mais quelle définition de la perdition ? C'était peut-être son choix, sa décision, de s'y noyer. Alors était-ce réellement se perdre ? Se perdre signifiait peut-être tout simplement s'éloigner de la vision du monde que l'Autre pouvait en avoir. Mais alors cela revenait à un jugement. Une critique supportée par la subjectivité, cette réalité psychique qui rendait différent les uns des autres. Se perdre, c'était ne plus savoir quel chemin emprunter pour retrouver celui que l'on désire. Ojûn ne se sentait pas perdue. Au fond d'elle-même, elle ne désirait pas retrouver le chemin que d'autres auraient tracés par leurs jugements.

"Que veux-tu dire, par s'oublier ?"

Autant lui poser directement la question. Quel était donc la définition que ce garçon accordait à ce terme. S'oublier, était-ce oublier qui l'on était ? Mais quelle était la définition de ce qu'elle était ? Cette définition, qui la lui donnait ? Elle-même, ou peut-être lui ?

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Telabeth Ceryn
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MessageSujet: Re: Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn]   Parce que les Dragons racontent les histoires aussi bien que les Castors [PV Ojûn] 660830Image55Mar 4 Mar - 0:51

Une fois encore, il me faut un certain temps pour me rendre compte que ces paroles m'ont véritablement échappé, comme si j'avais, à nouveau, pensé à voix haute. A voix basse, en réalité. Ma fascination mêlée d'horreur ne m'a pas empêché de ne pas hausser le ton. Je n'ai, de toutes les façons, jamais véritablement essayé de le faire. Je ne suis pas certain d'être capable de le faire un jour. Que faudrait-il pour pousser cette voix étrangement brisée qui est la mienne? Je me le demande, parfois, de façon confuse. Et pourtant, je ne me le demande pas à cet instant. Ou plutôt, si. Parce que pour pousser sa voix, à moins de vouloir communiquer de très loin, il faut y être forcé, poussé par un sentiment fort. Arsinoë crie parfois. Je crois que c'est de la joie, ou de l'enthousiasme, mais je ne lui ai jamais demandé. Il paraît que certains crient de peur. D'autres encore de colère. Ces sentiments me paraissent loin. Comme s'ils m'étaient inaccessibles. Non pas que je me refuse à les ressentir. Je crois parfois que j'aimerais savoir m'exprimer comme les autres. Être simplement une fraction de la masse, sans plus d'individualité qu'une écaille sur le dos d'un dragon par rapport à ses consœurs écailles. N'être pas, peut-être, simplement.

Le Destin a fait de moi une part de ce casse-tête qu'est la marche du monde. Et je me satisfait de n'être que cela, une pièce parmi d'autres. En tous cas pour l'instant. J'y réfléchis beaucoup, lorsque j'accomplis les tâches les moins agréables, comme récurer le sol. Notre rôle, finalement, est d'être dedans tout en restant dehors. De l'approcher suffisamment pour le comprendre, ce Monde, sans y prendre part. Cela me rappelle cette fois où j'ai observé ce rocher être entraîné par une petite avalanche. Une coulée de neige. La fin de l'hiver entraîne souvent ce genre de phénomènes. Ce rocher tenait là depuis des années. Enfin, je crois. Je ne peux pas l'affirmer avec sûreté. Je dirais donc qu'il était au moins déjà là l'hiver précédent. De cela je me souviens. Il était donc là, sur cet amas de neige, en équilibre instable. Comme s'il hésitait entre un côté ou l'autre. Je le regardais, et je lui trouvais une figure incertaine. Comme s'il regardait le ciel trop bleu qu'il ne pourrait jamais atteindre, et qu'il ne savait pas choisir le côté duquel pencher. Jusqu'à ce que la nature décide pour lui.

Je crois que le Destin décide pour nous aussi. Même pour ceux qui chutent, comme ce rocher. Parce que si ce n'était pas prévu par le Destin, cela voudrait dire qu'ils ont contré le Destin. Que celui-ci n'avait pas prévu, en quelque sorte, que l'avalanche aurait lieu. La raison pour laquelle nos punitions sont si sévères, je pense. Contrevenir à l'ordre du monde, au Destin tel qu'il devrait se dérouler, est mal, pour nous. Parce que nous seuls avons le pouvoir de véritablement le faire. Mais cela ne nous met-il pas à l'égal du Destin, alors? Des entités supérieures, presque "divines" selon les gens d'En-Bas qui croient en et prient des créatures anthrop... anth... à forme humaine?

Toujours est-il que quand elle répond à mes pensées, je suis surpris. Mes yeux s'écarquillent légèrement et je tourne à nouveau la tête vers elle, croisant ses prunelles dorées. Son Âme-Soeur sera probablement très belle... Ce n'est pas exactement une vraie question, qu'elle pose. Mais je réfléchis tout de même à une réponse. Les chaînes du Destin ont-elles prise sur les Dragnis? La totalité de notre mode de vie a été organisée autour de ce Destin qui nous guide. Nous grandirons dans l'idée qu'il nous faut le respecter. Le Destin comme marche du monde nous concerne. Le Destin comme marche vers la Mort... Beaucoup moins. Le temps que j'arrive au bout de cette réflexion, à la fois en lien avec celle que j'étais en train d'avoir et d'autres que j'avais entendues au détour d'un couloir, elle a lancé d'autres pistes, d'autres pensées.

Je suis... désorienté, je crois, par la rapidité de ses idées. Ou par leur étroitesse. Leur incapacité à prendre tous les paramètres en compte. Ce n'est qu'un idéal auquel j'aspire, de créer une réflexion calibrée pour inclure tous les possibles. Elle-même paraît vouloir voyager à travers ce miroir. Une expression de ses visions? Mes petites épaules se haussent alors que je laisse échapper, brièvement:

"Croire aux illusions ne les rend pas plus réelles. Peut-être est-ce le passé, peut-être est-ce le présent, ailleurs, ou même l'avenir. Ce ne sont que des hypothèses."

Ce n'est pas le manque d'intérêt qui me fait rejeter la discussion. Au contraire, ma fascination presque malsaine pour la scène qui se déroulait dans le miroir s'est modifiée pour devenir un questionnement sur ce qui se cache réellement derrière cette magie à l’œuvre. Cependant, je manque de preuves. Et je suis un peu frustré par son manque de coopération. Je n'ai pas plus de réponses qu'elle. Peut-être même moins. Mon propre panel de possibilités limitées me heurte alors de plein fouet. Après tout, je ne sais pas grand-chose. Et je comprends souvent moins encore. Même si toujours plus que ce que j'ai l'air de comprendre. Concept complexe. Je suis à la fois plus intelligent que j'en ai l'air, et moins que je le pense. Ou que j'aime à le croire.

Et la question suivante, qui cette fois m'est vraiment adressée, me prend une nouvelle fois au dépourvu. Cela m'avait paru clair. S'oublier comme se perdre. Perdre de vue l'essentiel. Ce qui fait de nous ce que nous sommes, en tant que Dragnis. En tant qu'individus, également. Cependant, j'ignore quel genre d'individu je suis. Comme j'ignore quel genre d'individu elle est. Il faut une connaissance totale et objective des gens pour ça. Et cela, en revanche, est impossible. Je ne suis peut-être pas le plus ouvert et... euh... expansif des Dragnis, mais j'ai, malgré tout, quelques sentiments confus qui traversent mon cœur, mon corps et mon esprit.

C'est le bruit qui fait que je reporte mon attention sur le reste de la salle de classe en train de se disperser. Un autre Dragnis se charge de ramasser les écritoires, les encriers et les plumes, tandis que l'Aîné en charge du cours s'approche pour regarder les feuilles que nous aurions dû remplir. Son regard perçant se fixe dans le mien et je l'entends presque marmonner, comme à chaque fin de séance "Je m'y attendais, Telabeth." Je ne réponds pas, je n'ai pas besoin. Je me contente de relever les genoux et d'y poser mon menton. Chacun s'éloigne, vaque à nouveau à ses occupations, alors que je réfléchis. Véritablement, qu'est-ce que "s'oublier" dans une illusion? Je n'en ai aucune idée. Une voix trop proche m'appelle à une tâche aussi distrayante qu'importante. Je me relève, me retournant vers elle, fixant mes prunelles orangées, sérieuses, sur son visage.

"Je n'ai pas de réponse satisfaisante pour l'instant. Il faut que j'y réfléchisse plus. La prochaine fois qu'on discutera, je te le dirai."

Et j'en suis sûr, je n'oublierai pas. Après tout, je n'oublie pas grand-chose. Et en plus, elle m'a donné un sujet de réflexion...

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